L’histoire des lolcats

Depuis Seattle, un entrepreneur illuminé de trente-deux ans dénommé Ben Huh semble fermement décidé à inonder l’internet de photos de chats aussi débiles qu’hilarantes. A en juger par les trente millions investis récemment dans sa société de diffusion de masse de photos gag, il ne s’agirait pas d’une simple mode éphémère.

lolcat info

Apparus aux alentours de 2005 dans les salons du forum sarcastique underground d’images et discussions 4Chan.org, les “lolcats” ont mis quelques années avant de sortir d’un certain anonymat. Pour ceux qui n’ont pas internet ou ont vécu reclus au fin fond d’une grotte, les “lolcats” sont ces photos de chats surpris en position burlesque ponctuées d’une légende en anglais plus qu’approximatif : “I Can Has Cheezburger ?”, “Monorail Cat”, “Do Not Want”, “Nom Nom Nom”, e t c . Ces fameuses blagues potaches, parfois hilarantes, ont été une première fois récupérées par un couple hawaïen sur un seul et même site, ICanHasCheezburger. com, lancé en janvier 2007. Quatre mois plus tard, après avoir vu son blog perso exploser sous les connexions suite à un simple lien en provenance du site en question, Ben Huh, un habitant de Seattle, a immédiatement évalué le potentiel de cette communauté. Quelques jours après, il investit une partie de ses économies (10 000 $) dans le rachat du site des auteurs de la photo originale du chat pelucheux réclamant son burger. Bénéficiaire dès les premiers jours, la nouvelle compagnie de Ben Huh sobrement nommée Cheezburger Network a néanmoins besoin de se développer. Bien entendu, face à d’éventuels investisseurs, passé le cap du brief sur le thème et le contenu du site, une fois annoncés les chiffres clés, l’affaire est dans le sac. En septembre 2007, M. Huh se laisse financer à hauteur de deux millions de dollars.

Très vite, M. Huh achète et crée à tout-va divers sites basés sur les phénomènes viraux tels Fail, Daily What, Photobomb, etc. Fort d’un succès incroyable à la croissance exponentielle, il n’a pas pour habitude de s’embarrasser d’une quelconque conscience. Les critiques sur sa responsabilité dans la vulgarisation grand public d’une culture geek underground ne pèsent pas lourd face aux 16,5 millions de visiteurs uniques pour 375 millions de pages vues mensuelles. En ce début d’année 2011, alors que son chiffre d’affaires double tous les ans depuis sa création et afin de poursuivre sa politique de développement ultraagressive, Ben Huh vient de soutirer trente millions de dollars à Boulder, Avalon Ventures, Madrona Venture Group et SoftBank Capital. L’aubaine pour tout ce beau monde réside dans l’absence de frais de fonctionnement élevés. Il faut juste payer l’hébergement et les salaires d’une cinquantaine d’employés (modérateurs, programmateurs, créatifs), le contenu étant constitué par les contributions bénévoles des internautes, une mine d’or intarissable. Une success story du capitalisme à l’américaine, élaborée en parallèle de Facebook, dont on est encore loin d’imaginer le dénouement futur.

Sa cinquantaine de blogs regroupés sur Cheezburger.com ne se limitent évidemment pas aux photos de chats fans de burgers et s’étend à tous les sujets, photos, vidéos et textes à fort potentiel viral. Visite guidée de la crème de l’humour potache. Racheté récemment, This Is Photobomb est un grand classique : des gens posent, et là, c’est le drame en arrière-plan (fesses, psychopathes, animaux en rut…). Un de nos préférés. Comme son nom l’indique un peu, Failbook compile des ratés mémorables issus des statuts, discussions et commentaires photos de vrais comptes Facebook. Dramatique. Pot-pourri du best-of web du jour, The Daily What apporte son lot quotidien d’insolite et de blagues. Terrifiant, Ugliest Tattoos regroupe jour après jour les pires tatouages de la planète alternant le douteux, le monstrueux ou le ridicule. Hilarant ou effrayant, selon son taux d’alcoolémie, After 12 traite justement des photos compromettantes de personnes bourrées mises en situation. Lendemain difficile assuré. Blog favori des MacGyver en herbe, There, I Fixed It affiche une magnifique collection d’objets rafistolés et de constructions hasardeuses. Enfin, Go Cry Emo Kid se délecte d’un sujet dont il est facile de se moquer : la culture “emo” et son goût pour la dépression adolescente. Petit nouveau pas encore au point, mais bientôt indispensable.