Vous ne vous en doutez peut-être pas, mais la capitale est hantée ! A la nuit tombée, des Tuileries à Notre-Dame, habitants et touristes cèdent la place aux esprits, fantômes et spectres. Abandonnez tout esprit cartésien et partez en balade sur leurs pas…
Paris regorge d’histoires de fantômes et de légendes urbaines. Qu’on y croie ou pas, ces contes ont la vie dure et traversent les siècles parce qu’ils trouvent toujours quelqu’un pour les avaler. Jean- Bruno Renard, sociologue spécialiste des légendes urbaines, explique cette fascination par un désir irrépressible de découvrir des histoires cachées. Certains, comme l’agence Mysteries of Paris, surfent sur la vague et séduisent les touristes en organisant des visites commentées de ces endroits pleins de mystère. Sur les forums spécialisés, des internautes passionnés se rencardent pour organiser une petite exploration en commun et se faire quelques frayeurs. C’est bien connu, à plusieurs, la peur est communicative. Petit tour d’horizon des spots hantés de la ville.
Le cimetière du Père Lachaise
Evidemment. Lieu de fantasmes ésotériques, le plus grand cimetière de Paris abrite aussi les légendes les plus tenaces. Il y en a notamment une qui court parmi les chauffeurs du taxi, celle du passager fantôme embarqué au Châtelet et qui disparaît une fois arrivé boulevard de Ménilmontant. On évoque parfois un chat roux, énorme félin à la démarche étrange, aperçu plusieurs fois par les visiteurs et les gardiens. Là auraient lieu aussi des messes noires, voire des sacrifices humains… Bref, le Père-Lachaise est l’endroit le plus recherché par les amateurs de surnaturel et autres “ghostbusters”, ou tout simplement par des hippies sur le retour qui tentent d’entrer en contact avec l’esprit de Jim Morrison.
Le gibet de Montfaucon
C’était sans doute l’endroit de Paris qui a connu le plus de morts. Gibet préférentiel de la royauté française, les bourreaux y faisaient des heures supplémentaires. Évidemment, un endroit qui a abrité tant de trépas ne peut rester neutre. Il n’y a aujourd’hui plus aucune trace du gibet, mais la nuit, on y entendrait parfois des bruits de chaînes et des gémissements… Car le gibet de Maufaucon a été pensé par des professionnels de la torture. Conçu au XIIIe siècle, il a fonctionné jusqu’à la veille de la Révolution. Imaginez : deux étages et seize piliers d’environ 10 mètres de haut qui soutenaient des poutres de bois, auxquelles pendaient les corps pourris et desséchés des suppliciés. A sa base, une cave fermée par une grille recevait les restes des condamnés, ainsi que des cadavres provenant d’autres lieux d’exécution de Paris. On pouvait y entasser jusqu’à cinquante corps. Bref, le top du gibet. Forcément, ça laisse des traces. Cruelle ironie, celui qui a décidé de l’installation de ce monument de l’horreur, Enguerrand de Marigny, y a d’ailleurs fini sa vie. C’est sans doute lui qui traîne encore autour…
L’homme rouge des Tuileries
Il paraît que le palais des Tuileries est hanté par un boucher, nommé Jean l’Ecorcheur. Il travaillait pour la reine Catherine de Médicis, qui nourrissait une passion pour les sciences occultes. L’homme de main était justement chargé de la relation de la reine avec les mages et sorciers. Mais Jean aurait commencé à en savoir un peu trop, et Catherine de Médicis le fit assassiner. Avant de mourir, il aurait menacé son assassin Neuville : « Je reviendrai. » Ce dernier a mal vécu les jours suivants. Il avait l’impression d’être suivi. L’astrologue de la Reine, Cosme Ruggieri, partit vérifier la scène du crime et n’y trouva aucun corps, seulement une mare de sang. Peu après, l’astrologue eut une vision de Jean, qui lui prédit que la reine mourrait « près de Saint-Germain ». Catherine de Médicis se mit alors à fuir tous les endroits portant ce nom. C’est dans son lit de mort qu’elle fut rattrapée par le destin. Son confesseur se nommait Julien de Saint Germain… Depuis, l’homme rouge des Tuileries serait apparu à Louis XVIII, à Marie-Antoinette, prisonnière aux Tuileries avant son exécution, à Napoléon la veille de la bataille de Waterloo et dans le brasier des Communards brûlant le palais des Tuileries.
L’homme à la redingote
Dans le jardin du Luxembourg, à la tombée de la nuit, réfléchissez à deux fois si un homme en redingote vous propose d’assister à un concert privé. En 1925, un étudiant, Jean Romier, l’a rencontré. Il révisait ses cours quand l’homme s’installa à côté de lui. Ils se mirent à parler de musique de chambre. L’homme, nommé Alphonse Berruyer, l’invita à un concert chez lui, rue de Vaugirard. Le concert se déroula tout à fait normalement, avec quelques personnes dans l’assistance, dont un séminariste avec qui il discuta musique. A la sortie, Jean Romier s’aperçut qu’il avait oublié son briquet. Il frappa à la porte mais personne ne lui répondit. Un voisin lui expliqua alors que l’appartement était inhabité, car Berruyer était mort depuis vingt ans… Incrédule, Romier s’énerva. La police intervint et fit venir le propriétaire de l’appartement, histoire d’en avoir le coeur net. L’étudiant découvrit alors un appartement vide et sale, orné du portrait du séminariste, qui s’avéra être le grand oncle du propriétaire. Plus tard, en fouinant dans le fumoir, sous une couche de poussière, Romier retrouva son briquet…
Notre-Dame : l’oeuvre du diable
Connaissez-vous l’histoire du serrurier Biscornet ? C’était encore un apprenti
quand on lui confia la mission de forger le portail de Sainte-Anne. L’ambitieux serrurier, jour après jour, découvrit l’ampleur de la tâche, qui lui semblait irréalisable. Par désespoir, il envoya un soir ses instruments au diable… qui en profita pour lui rendre visite. Biscornet se réveilla le lendemain matin et vit ses portes magnifiquement forgées. Le jour de l’inauguration, il fallut pourtant les arroser d’eau bénite pour les faire coulisser. On raconte que Biscornet était chaque nuit torturé par des cauchemars dans lesquels le diable venant le harceler pour réclamer son âme. Peu de temps après, on retrouva le serrurier mort dans son lit… Le plus étrange, c’est que les ferrures du portail comportaient une tête de diable en guise de poinçon, et que Biscornet (dont le nom pourrait signifier “deux fois corné”) a fait preuve d’une finesse de travail exceptionnelle pour un apprenti. Ces ferrures ont été remplacées par Viollet-le-Duc vers 1860. Par peur de la malédiction ?
L’esprit du parc Montsouris
Le fantôme d’Isauré de Montsouris hanterait ce parc situé dans le sud de Paris, depuis son assassinat à la hache par une bande de pillards, en 831. On verrait régulièrement son spectre se balader près du Bardo, un petit monument du parc qui a brûlé mystérieusement en 1991, alors que 15 millions de francs venaient d’être affectés à sa rénovation. Depuis, la silhouette du décapité a été aperçue, des plaintes et des gémissements ont été entendus. Le parc Montsouris est aussi la source de la légende du diable Vauvert, car il hébergeait autrefois le château de Val-Vert, à la sinistre réputation. C’est aussi ici que le docteur Guillotin testa pour la première fois sa guillotine en 1792… De quoi renforcer la réputation sulfureuse du lieu.
L’homme vert des catacombes
Les catacombes font évidemment l’objet de nombreux mythes. L’un des plus tenaces est celui de l’homme vert. A la fin du XVIIIe siècle, les carriers qui travaillaient à remonter les pierres destinées à façonner le Paris moderne auraient aperçu un homme vert qui bondissait à travers les galeries, et se cachait dans des puits et des caves. Ceux qui l’ont aperçu ont été maudits, et aujourd’hui encore les “cataphiles” sentent parfois une présence derrière eux, sans jamais pouvoir l’identifier…
Le fantôme du pont Marie
On raconte que durant la Seconde Guerre mondiale, une Française, mariée à un résistant, entretenait une relation avec un officier nazi. Lors d’une froide nuit d’hiver, elle attendait son mari vers minuit au pont Marie. Mais celui-ci ne vint jamais, et la légende veut que sa femme soit morte de froid. Son fantôme hanterait encore le pont à la nuit tombée. Une histoire sans doute destinée à tourmenter les collaborateurs.
D’autres fantômes hantent de temps en temps les rues de Paris : ceux de Gérard de Nerval, vers l’allée des Brouillards à Montmartre, du sorcier Albert de Cologne, rue du maître Albert, du barbier sanglant de la rue Chanoinesse, ou encore celui d’une femme de ménage assassinée à coups de tisonnier, qui traîne toujours son balai du côté de “l’impasse des artistes”, la rue Frochot vers la place Pigalle.