Une nouvelle génération de comiques souvent originaires des banlieues – mais pas toujours – impose à travers le stand-up un humour corrosif en prise sur la société française actuelle. A l’heure où certains, comme le Comte de Bouderbala, triomphent aussi bien dans les salles qu’à la télé ou sur les ondes, petit tour de scène avec ces nouveaux hérauts du rire.
Le stand-up ressemble à une cérémonie qui se donne avant tout pour soi. D’abord, il se pratique debout, micro à la main. Ensuite, il ne consiste pas à aligner des sketchs au kilomètre, ne contient pas de personnages comme dans les one-man shows traditionnels, mais prend plutôt l’allure d’une discussion. L’humoriste s’adresse à son public de façon informelle, le prend à partie, l’apostrophe – gare aux retardataires, bavards, tousseurs et autres distraits ! –, et lui raconte des histoires brèves. La vie, les nanas, la société, les parents, le bled, il parle de tout, et surtout de lui.
Souvent, l’artiste de stand-up brocarde tout à la fois Noirs, Blancs, beurs, mais il moque aussi homos et hétéros pour, in fine, prôner la tolérance. Sous l’impro apparente se cachent une plume affûtée et une technique redoutable, indispensables pour que les jeux de mots et les vannes en rafale fassent mouche. Mais ça ne marche pas à tous les coups… Tel un gladiateur dans l’arène – en moins violent, quand même ! –, le comédien de stand-up est un peu à la merci de son public. Son succès dépend notamment de sa spontanéité et de son répondant, de sa capacité à réagir à un raté, du tac au tac. Autant de vertus que semble concilier depuis quelques années toute une nouvelle génération de pros de la tchatche et de comédiens du réel, qui ont vu dans cette nouvelle forme d’expression scénique un espace de parole et de liberté. Quand certains en sont encore à roder leurs bons mots dans de petites salles, d’autres connaissent une ascension fulgurante.
Les comédiens sont à l’image du public : métissés. Ils s’appellent Chicken Boubou, Noom ou encore Fabrice Eboué, pour ne citer qu’eux. Avec une autodérision corrosive, ils abordent tous les sujets sans complexes, font exploser les stéréotypes qu’on leur colle à la peau et prennent leurs distances avec des sujets graves, comme la violence et le communautarisme. Née dans la culture populaire américaine de la fin du XIXe siècle, la standup comedy prend son essor à New York dans les années 1960, lorsque des humoristes comme Lenny Bruce repoussent les limites de la bienséance en abordant des sujets politiques, raciaux et sexuels. Inspiré par ce style acerbe, le comédien Richard Pryor est la figure emblématique du genre, un nouveau terrain d’expression qui va devenir le domaine de prédilection des comiques afro-américains et juifs (Woody Allen, Jerry Seinfield, Eddy Murphy ou encore Chris Rock y ont fait leurs armes). En France, Guy Bedos (avec son phrasé très popu et ses histoires de famille qui parlent à tout le monde) et Coluche jouent les précurseurs, à leur façon. Mais il faudra attendre Gad Elmaleh, Tomer Sisley et surtout Jamel Debbouze et son Jamel Comedy Club pour que le stand-up s’impose en France et en français. Aujourd’hui, il séduit autant aristos que prolos, jeunes que moins jeunes, Noirs, Blancs, urbains, campagnards… En quelques petites années, il a révolutionné le monde de l’humour et de la comédie.
Le standup, une révolution culturelle ? Le phénomène pourrait en tout cas changer le regard porté sur les “quartiers”, et donne déjà l’image d’une France qui rit aux éclats – toujours bon à prendre en ces temps de crise. Qu’on se le dise, le vingt-et-unième siècle sera celui de la vanne, ou ne sera pas…