L’architecture et la bande dessinée ont toujours entretenu des liens étroits. Les bâtisseurs inventent des cités et des métropoles en les dessinant, et les auteurs de BD s’inspirent régulièrement des décors urbains de ces derniers pour donner vie à un imaginaire foisonnant. Cette riche expo est une plongée fascinante dans les espaces infinis des villes construites… et dessinées.
Des “cités obscures” de Schuiten aux immenses panoramas de Moebius, des mangas aux comics de superhéros, la ville a toujours constitué une obsession et une source inépuisable d’inspiration pour les créateurs de BD. Ces derniers se plaisent à représenter, d’un trait de crayon tantôt visionnaire tantôt traditionnel, tantôt exalté tantôt minutieux, les buildings démesurés, les architectures compliquées, le chaos effrayant de certaines agglomérations… Parallèlement, de Yona Friedman à Christian de Portzamparc, les architectes, dans leurs dessins préparatoires, se permettent toutes les audaces, toutes les fantaisies, toutes les divagations possibles. Ce sont les rapports entre ces deux arts qu’ont voulu mettre en scène Jean-Marc Thévenet, ancien directeur du Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, et Francis Rambert, directeur de l’Institut français d’architecture, les deux commissaires de cette expo passionnante.
Qu’est-ce qu’on y trouve ? Des planches de BD et des projets architecturaux, exposés dans un dialogue fructueux et un constant va-etvient. Ce qui frappe d’emblée, c’est que les deux pratiques se confondent, à tel point qu’on a parfois du mal à différencier les planches de BD des esquisses d’architectes. Ici, on croise les croquis envoûtants des buildings new-yorkais de Winsor McCay (créateur de “Little Nemo”), puis les dessins de Metropolis, la ville imaginaire du superhéros Superman, et les esquisses du Paris bohème de Dupuy-Berberian. Là, on découvre les chroniques urbaines de Tokyo par Taniguchi et Boilet-Peeters et les croquis du musée Hergé de Louvain en Belgique, construit par Christian de Portzamparc, qui a ouvert ses portes en 2009. Plus loin, on s’arrête devant l’album BD des architectes Herzog et de Meuron dédié à leur concept “MetroBasel”, ou encore devant le projet utopiste de ville spatiale de l’architecte Yona Friedman…
L’expo illustre à merveille l’interpénétration entre les villes en 3D et les villes sur le papier, entre les cités à vivre et celles faites pour rêver, entre le fantasme et la réalité.